Dématérialisation, application mobile, Saas, tels sont les principaux défis que l’Expert-Comptable doit appréhender dans la digitalisation de son cabinet. Combiner ses besoins de développement à la technologie numérique, relève d’un choix stratégique. L’Expert-Comptable se situe au tournant de la transformation de son cabinet où il est le principal acteur du dispositif de digitalisation.
Ludovic VELOCCI s’est prêté au jeu de l’interview et a répondu à nos interrogations sur la digitalisation du cabinet, en qualité de directeur marketing de EIC – éditeur de logiciels de gestion pour les Experts-Comptables.
Selon vous, qu’est-ce que la digitalisation, et quels en sont les enjeux pour les cabinets d’expertise-comptable aujourd’hui ?
Je pense que nous pouvons définir la dématérialisation comme étant le remplacement dans une structure de ses supports d’informations matériels, comme le papier par exemple, par des fichiers informatiques. La dématérialisation est un mot qui s’applique essentiellement aux objets. Elle ne représente donc qu’un moyen technique et pas un objectif à part entière. Aujourd’hui, je préfère parler plus généralement de digitalisation.
La digitalisation est un véritable objectif et une stratégie majeure pour les cabinets d’expertise comptable. Elle représente une notion beaucoup plus large que la dématérialisation puisqu’elle englobe également l’ensemble des process internes d’une structure et ses relations avec tous les acteurs de son environnement. La digitalisation d’un cabinet comptable est un véritable projet à part entière qui demande une organisation, des ressources et un véritable pilotage.
Quelles sont les options stratégiques qui légitiment le recours à la dématérialisation ?
Tout dépendra des bénéfices attendus par le cabinet comptable en termes de productivité et de rentabilité :
Si l’objectif final est de gagner un maximum de temps en tenue comptable
La digitalisation de la tenue comptable devra être centralisée sur un nombre restreint de collaborateurs. En quelque sorte, le cabinet pourra créer un centre de traitement interne qui sera chargé d’industrialiser la saisie comptable et de produire des écritures comptables en très grande quantité. Cette organisation demandera un management très rapproché des collaborateurs avec des objectifs quantitatifs et des indicateurs de pilotage précis.
Si l’objectif final est de développer une offre de services avec des prestations à forte valeur ajoutée type tableaux de bord
Il pourrait être, par exemple, intéressant d’envisager le passage des comptabilités de trésorerie en comptabilité d’engagement sans perdre de temps grâce à l’automatisation de la tenue comptable. Ainsi le cabinet comptable pourrait fournir à ses clients des indicateurs de gestion pertinents qui leur permettraient de suivre plus efficacement leur trésorerie (échéancier fournisseurs et clients) et l’activité de leur entreprise.
Si l’objectif final est de faire du « low-cost »
Le « low-cost » n’est pas la définition de prestations « bas de gamme » mais simplement un terme caractérisant une segmentation très fine de l’offre de services. Cette stratégie permettra d’afficher des prix d’appel peu élevés. Il sera alors indispensable d’imposer au client de scanner lui-même, correctement et régulièrement ses documents afin que le traitement de la tenue comptable ne demande que très peu de temps au collaborateur. Par exemple, il pourrait être judicieux de prévoir dans les lettres de mission que les documents soient envoyés au cabinet comptable à minima chaque semaine avec une pénalité financière si le client a du retard dans l’envoi de ses pièces comptables.
Quels freins rencontrez-vous à la transformation digitale des cabinets d’expertise-comptable ?
Lorsque nous avons mené quelques enquêtes auprès de nos clients équipés de notre solution de dématérialisation, nous leur avons demandé le sentiment des collaborateurs à la mise en place du logiciel et 1 an après :
68% des collaborateurs étaient réfractaires lors de la mise en place
Aucun ne voulait se séparer de l’outil 1 an après
La difficulté principale est donc culturelle et humaine. A chaque changement d’habitudes, beaucoup d’entre nous passons par une multitude de sentiments que l’on appelle « La vallée du désespoir » :
Choc : « Pourquoi changer ? »
Déni : « Ça ne sert à rien, ça fonctionne bien comme ça »
Colère : « On ne me fera pas changer »
Peur : « Et si je n’y arrive pas »
Tristesse : « Je n’ai plus mes repères »
Acceptation : « Finalement j’y arrive »
Pardon : « Ils avaient raison »
Renouveau : « J’ai évolué »
Sérénité : « C’est beaucoup mieux qu’avant et jamais je ne voudrais y retourner »
Comme je vous l’ai précisé en introduction, la digitalisation est un PROJET à part entière qu’il est indispensable de mener avec méthodologie, communication et accompagnement. L’adhésion et la motivation des collaborateurs sont les facteurs clés de succès du projet. Cependant, peu de cabinets prennent en compte cette dimension PROJET pour accompagner correctement leurs collaborateurs. De plus, cette « vallée du désespoir » peut également toucher des personnes qui étaient très motivés au départ et il faut donc être vigilant.
Quels sont vos conseils pour réussir la transformation digitale ?
Je pense que le cabinet de demain sera celui qui aura réussi sa transition digitale dans les 5 prochaines années. Les cabinets comptables qui seront en phase avec leur stratégie et qui auront adopté le plus tôt possible un positionnement clair vis-à-vis de leur marché seront ceux qui réussiront. Le plus important est de prendre de la hauteur et de ne pas partir tête baissée en pensant que les solutions logicielles, comme les solutions de dématérialisation, proposées par les éditeurs seront la réussite de la transition numérique. La dimension humaine, clients et collaborateurs, est primordiale et représente le facteur clé de succès de cette évolution.
Seul un pilotage rapproché permettra de détecter et d’accompagner efficacement les ressources du cabinet :
Communiquer sur la stratégie du cabinet auprès de l’ensemble des équipes, expliquer pourquoi nous devons le faire et comment nous allons faire
Identifier des ressources et affecter un pilote chargé de mener ce projet à terme
Définir des objectifs qualitatifs et quantitatifs atteignables
Mesurer et suivre régulièrement l’état d’avancement du projet
Récompenser la réussite du projet et l’atteinte des objectifs
Avant de songer à s’équiper, le cabinet comptable doit raisonner comme une véritable « Entreprise de services » :
Définir une stratégie à court, moyen et long terme
Apprendre à bien connaître son marché et à rester en veille permanente : clients, fournisseurs, concurrents
Intégrer au plus vite des compétences marketing et commerciales via des recrutements ou un accompagnement par des consultants
Formaliser une offre de services
Normaliser les process et uniformiser les méthodes pour gagner en productivité, sécurité et satisfaction clients